Dans une question orale avec débat adressée au Premier Président de la Cour de Cassation, le député national Janvier MSENYIBWA APELE, a levé un coin du voile sur une gestion jugée opaque de l’enveloppe budgétaire allouée à la magistrature en 2024. L’élu de Fizi s’inquiète particulièrement de la réaffectation de 70 milliards de francs congolais initialement destinés à la mécanisation de nouveaux magistrats, sans autorisation préalable du Parlement.
S’appuyant sur la lettre du ministère du budget en réponse à une précédente question écrite, le député souligne que : « le crédit annuellement alloué en 2024 au pouvoir judiciaire, un service public dont le gestionnaire est le Conseil Supérieur de la Magistrature, était d’une valeur de 364,4 milliards de francs congolais comme budget général, un montant qui a totalement été débloqué. »
Le député MSENYIBWA ajoute que sur ce montant, 70 milliards de FC étaient censés permettre la prise en charge financière des magistrats recrutés en 2022, mais non encore nommés à l’époque. Cependant, en l’absence d’une ordonnance de nomination en 2024, le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) aurait décidé de rediriger ces fonds vers une revalorisation salariale des magistrats en poste, une démarche qui, selon MSENYIBWA, pose de graves problèmes de légalité et de transparence.
« Le Conseil Supérieur de la Magistrature, a-t-il, sans l’aval du Parlement, le pouvoir d’utiliser une partie de son budget pour des objectifs autres que ceux pour lesquels les crédits ont été approuvés ? », interroge le député dans sa correspondance du 9 juin.
Il rappelle que l’article 42 de la loi organique n°08/013 du 5 août 2008 soumet la gestion financière du CSM au contrôle du Parlement, et que tout redéploiement de crédits devrait en principe faire l’objet d’une autorisation parlementaire ou d’un retour au Trésor public. Le député va plus loin en exigeant des clarifications détaillées de la part du Premier Président de la Cour de Cassation, notamment sur le nombre exact de magistrats en fonction en 2024, le montant individuel que chaque magistrat aurait perçu à travers cette majoration ainsi que les preuves documentées de la redistribution de cette somme, les raisons pour lesquelles les nouveaux magistrats, pourtant nommés par ordonnance présidentielle n’ont toujours pas perçu leurs rémunérations pour avril, mai et juin, alors qu’une enveloppe de 48,1 milliards FC est prévue à cet effet dans le budget rectificatif 2025.
Cette interpellation remet en lumière la fragilité de la gouvernance budgétaire dans certains organes publics en RDC, même au sein du pouvoir judiciaire censé incarner la rigueur et l’impartialité. Elle relance aussi le débat sur la traçabilité des finances publiques, à un moment où le pays s’engage dans des réformes pour renforcer la transparence et l’État de droit.
Le débat à l’Assemblée nationale s’annonce tendu. Le Premier Président de la Cour de Cassation est désormais tenu d’y répondre publiquement, offrant une occasion rare de faire toute la lumière sur un dossier aux ramifications aussi bien juridiques qu’éthiques.
Alain Ngabo Kajemba