Dans une lettre au ton particulièrement ferme du Ministre d’État de la Justice et Garde des Sceaux datant du mardi 10 Juin 2025, Constant Mutamba, secoue les sphères politique et judiciaire de la République Démocratique du Congo. Dans sa correspondance, le ministre récuse le Procureur Général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, qu’il accuse de partialité, de conflit d’intérêts et de manœuvres politiciennes.
L’objet principal de ce bras de fer est une enquête judiciaire ouverte autour du projet de construction d’une prison à Kisangani, un projet pourtant, selon Mutamba, conforme aux règles en vigueur. « Il est incompréhensible de parler d’intention de détournement alors que l’initiateur a sollicité l’approbation préalable de la Première Ministre. », insiste le ministre, rappelant ainsi que ce chantier a été approuvé par le Conseil des ministres, avec une procédure de passation de marché validée par la Première Ministre.
Ainsi il rejette catégoriquement les accusations de détournement de fonds publics, affirmant que les paiements effectués étaient légitimes et basés sur un contrat officiel, avec des études de sol menées par l’Université de Kinshasa. Il précise en outre que les fonds concernés sont toujours bloqués par la Cellule Nationale des Renseignements Financiers (CENAREF), et donc, non utilisés.
Le ministre fustige par ailleurs la mise en cause de l’entreprise chargée de la construction. « La Société de construction qualifiée de fictive a répondu aux invitations de la CENAREF lui apportant les preuves de son siège et des autorisations requises pour fonctionner en RDC » affirme-t-il.
Aussi, le ministre accuse le Procureur Général d’avoir instauré un « dispositif de vengeance » à son encontre, en réaction à plusieurs réformes jugées sensibles dans le secteur judiciaire. Il cite notamment l’interdiction des transferts vers des prisons surpeuplées, la lutte contre les arrestations arbitraires, la restitution de biens spoliés, ou encore la réforme du système pénitentiaire congolais.
Pour Mutamba, la récente demande du Procureur auprès de l’Assemblée nationale en vue d’une autorisation de poursuite, alors même que l’instruction est encore en cours, confirme « un acharnement et un complot politique » destiné à abattre un ministre jugé « ombrageux ».
Cette confrontation directe entre le Garde des Sceaux et le chef du Parquet ouvre une crise institutionnelle d’envergure, dans un contexte où les réformes judiciaires engagées depuis plusieurs mois suscitent autant d’espoirs que de tensions.
Alain Ngabo Kajemba